Paul Taylor est mort à New York mercredi soir, 29 août. Il avait 88 ans. C’était un peu le Charles Trenet, l’Hergé de la danse, d’ailleurs, il leur ressemblait.
Paul Taylor est né en Pennsylvanie le 20 juillet 1930. Sa carrière est étonnante. Il pratique d’abord la natation avec assiduité, puis la peinture à l’Université de Syracuse, c’est là qu’il découvre la danse dans les livres et revues de la bibliothèque de l’Université. Après avoir hésité entre la peinture et la danse, il choisit cette dernière, part à 22 ans pour New York. Là, il suit les cours de danse  de Doris Humphrey, José Limon, Charles Weidman.

Paul Taylor Book of Beasts

Paul Taylor , Book of Beasts, 1971

En 1953, il danse dans la compagnie de Merce Cunningham, quelques semaines seulement, car ce que l’on exige des danseurs ne lui plaît pas. En Europe, 65 ans après, quelques méchantes personnes ne lui ont toujours pas pardonné ce crime de lèse-Majesté, bien qu’il n’existe plus dans le Code pénal depuis 1832. C’est drôle le petit monde de la danse ; nos pies voleteuses oseront-elles faire couler quelques larmes de crocodile ?
Paul Taylor rejoint alors la compagnie de Pearl Lang, puis, à partir de 1955, celle de Martha Graham où il restera jusqu’en 1962. Il se voit confier la création de beaucoup de rôles importants, tels ceux d’Égiste dans Clytemnestra, l’Étranger dans Embattled Garden, (1958), Alcestis, (1960), Tirésias dans Night Journey.
Dès 1954, il crée sa compagnie qui prendra chaque année davantage d’importance.
Très ami avec le peintre Robert Rauschenberg, ils font équipe pour bon nombre de créations : Jack and the Beanstalk, (54), Three Epitaphs, (56) Seven New Dances, (57). À partir de 1960, les tournées internationales commencent, la réputation est tellement bonne qu’elle est invitée dans les plus célèbres du monde.
Le 14 mai 1959, George Balanchine crée un solo pour lui, dans le ballet Episodes, imaginé sur la Symphonie Opus 22 de Webern. Il avait demandé à Martha Graham d’imaginer le même soir, une chorégraphie sur la même partition pour les danseurs Grahamiens. C’est la seule fois où la compagnie de Martha Graham dansait avec le New York City Ballet.

1962 est l’année de la création d’Auréole, son ballet le plus dansé à travers le monde, celui qui lui a donné tout à coup une renommée internationale. Pourquoi un tel succès ? Peut-être parce que c’est un ballet simple, gai, serein, qui n’agresse pas. Deux émouvants souvenirs d’Auréole ne me quittent pas : Copenhague, en 1978, où Rudolph Noureev, invité par Flemming Flindt, dont les chorégraphies sont hélas délaissées, dansait avec Vivi Flindt.
Et l’Opéra de Paris, où ce fut l’une des plus belles apparitions de Serge Daubrac, qui donnait tant de sa personnalité si intéressante. Danseur trop tôt disparu, on ne peut pas l’oublier.

Après Auréole, les créations se multiplient, avec un très bref point d’orgue en 1974 : Paul Taylor, 44 ans, décide d’arrêter de danser.
Du coup, il passe à plusieurs créations par an, avec sempiternellement le même succès auprès du public, tant tout est coloré, gai, sans prétention, mais remarquablement imaginé.
En 1987, il écrit son autobiographie, Private Domain.
Paul Taylor était un homme libre, indépendant. Mon ami William Como, l’ex directeur de Dance Magazine, m’a souvent répété « J’aime beaucoup Paul, mais c’est toujours difficile de travailler avec lui, il veut tout vérifier dans les moindres détails. »
L’Opéra de Paris n’a accepté que deux ballets de Paul Taylor, Auréole, en 1974, le succès a été considérable, et Speaking in Tongues en 1990.
Rien de plus, pourquoi ?
Je n’ai rencontré Paul Taylor que trois fois, à New York, dans les années quatre-vingt. L’accueil était souriant, sympathique, chaleureux, et je ne me rendais pas suffisamment compte que j’avais la chance d’être face à l’un des plus brillants chorégraphes du XX° siècle.
Paul Taylor ne peut pas être étiqueté. Répétons-le, c’était un homme libre, qui aimait la danse libre, mais généreuse, paradoxale, mais jamais ennuyeuse, ingénieuse, mais sans aucun a priori.
En mai dernier, Paul Taylor avait demandé au talentueux et sympathique Michael Novak d’accepter le poste de directeur artistique de la « Paul Taylor Dance Foundation ». Une certitude, elle est en d’excellentes mains, nous pourrons longtemps revoir avec le plus grand plaisir les chorégraphies de Paul Taylor, et les créations de ses disciples, the show must go on.
En France, sa compagnie a été peu invitée. Paul Taylor n’a jamais été vraiment apprécié par l’intelligentsia qui l’acceptait du bout de lèvres pincées et dédaigneuses, parce qu’il n’était pas assez comme ci, parce qu’il ne faisait pas assez comme ça. Faire ? Mais c’est de danse qu’il s’agit, elle ne se fait pas, elle s’échappe brusquement du génie d’un chorégraphe, sorte de bête mystérieuse, mi-homme mi-farfadet, dont on ne trouve que quelques spécimens par siècle. Paul Taylor était l’un de ceux-là. Michel Odin

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