Au revoir Benjamin
Bonjour Aurélie

Alea jacta est ! C’est fait, Benjamin Millepied quitte le Ballet de l’Opéra de Paris. Aurélie Dupond le remplace.

Nous devons féliciter Monsieur Lisner. Il a su gérer discrètement, de la plus intelligente manière, cette transition.

En ce jeudi 4 février, lors de la conférence de presse, il a tenu à préciser :

Il était difficile pour Benjamin Millepied, d’être directeur de la danse et chorégraphe. D’un commun accord nous avons pensé qu’il était mieux qu’il prenne du recul. Ce matin, à 10 h 30, j’ai annoncé à Aurélie Dupont qu’elle deviendrait directrice du Ballet. Mon rôle est d’être garant de cette institution. La direction de la danse doit vraiment s’engager avec la compagnie. On ne peut pas répéter ce qui s’est passé, il faut du nouveau. Le Ballet doit répondre à des questions d’aujourd’hui pour demain. 

Benjamin Millepied, précisait : « Mon désir a été de faire évoluer l’institution. J’aime être inspiré par les danseurs. »
Quant à Aurélie Dupont, avec son indescriptible et discrète élégance joyeuse, elle a déclaré : « Comme je suis heureuse ! Benjamin est une très bonne personne. Il faut saluer tout ce qu’il a apporté à cette compagnie. Je reviens forte de mon expérience, du respect que j’ai pour tous les gens qui travaillent à l’Opéra. J’aime les danseurs, ils sont bons, j’ai envie de leur donner du sur-mesure. »

Aurélie Dupont, Giselle, ph. Michel Lidvac

 Une précision, Benjamin Millepied n’a pas eu l’outrecuidance et la méchanceté de programmer à la va-vite la saison 2017-2018, pour paralyser le travail de d’Aurélie. Il lui laisse carte blanche. Bravo pour ce fair-play ! Monsieur Lisner a d’ailleurs précisé que c’est l’unique raison pour laquelle il a nommé Aurélie ce matin, pour lui  laisser plein pouvoir pour l’organisation de cette programmation.

Quelles conclusions tirer de tout ceci ?

Nous sommes là pour défendre la danse, les danseurs, et les spectateurs, donc, réjouissons-nous.

Aurélie est une artiste d’exception qui va certainement nous étonner.

Depuis l’annonce de la nomination de Benjamin Millepied en janvier 2013, il y avait deux camps.

Celui d’une petite poignée de nostalgiques, furieux de cette nomination, qui, dès le lendemain, minaient le terrain de toutes parts, fabriquait avec perversion des chausse-trappes, dans un lieu qui vraiment n’en manque pas.

Celui des modernes qui pensaient que le moment était enfin venu de mettre la vieille boutique aux normes, ce qui n’avait pas été fait depuis trente ans.

Tout le monde s’accorde à reconnaître, qu’à l’arrivée de Benjamin Millepied, la compagnie craquelait de partout, menaçait même de s’effondrer. À force de colmater les brèches avec de la colle moisie de perlin-pinpin, les crevasses s’agrandissaient dangereusement, les spectateurs avaient l’impression de pénétrer dans un vieux manoir hanté par de repoussantes sorcières.
Quel avenir pour la compagnie ?

Avec Aurélie, il sera des meilleurs.

Elle a promis, « La compagnie a besoin de changements, je les ferai, mais en douceur. »

Il est évident que si les danseurs refusent de rompre avec les mauvaises habitudes, avec les passe-droits, avec les nominations inexplicables, ils ne s’en sortiront pas, le déclin, continu depuis 1992, ne s’interrompra pas.

Benjamin Millepied a commencé le travail avec brio. Sans vouloir être méchant avec lui, ce n’est pas un coup de génie, il a simplement mis en place ce qui se fait dans toutes les grandes compagnies du monde : suivi médical sérieux des danseurs in situ, replacement des planchers devenus dangereux, ce dont personne ne s’inquiétait, sortir du piquet de jeunes danseurs pleins de talent et d’enthousiasme, intéresser des sponsors au sort de cette compagnie, un million d’euros recueillis lors du gala de septembre dernier. Bravo pour ce début ! Mais ce n’est qu’une petite partie du travail de mise aux normes. Il reste beaucoup à faire, Aurélie le fera, elle est trop intelligente pour rater.

Terminée, heureusement, l’époque lointaine, où les hommes politiques confiaient des compagnies à des gardes-chiourmes, sans culture aucune, sans honnêteté civique et financière, aux commandes de robots obéissants. Aujourd’hui, pour tenir le coup face à la concurrence internationale, il faut chaque jour se remettre en question, et ce n’est pas facile.
Un directeur de compagnie doit avant tout se dévouer pour ces danseurs et pour le public.

L’autre jour, un ami danseur d’une compagnie lointaine me disait : « ce qui m’agace, c’est que lorsque nous sommes en tournée dans une grande ville, au lieu de veiller au bon déroulement du spectacle, la directrice disparaît dans les plus chers établissements esthétiques pour se faire ravaler la façade et faire croire qu’elle est jeune, alors qu’elle laisse la compagnie périr dans un vieux système bureaucratique qu’elle se refuse à moderniser ! »

Aurélie est si belle, qu’elle n’a pas besoin de ces parcours chez les esthéticiens. Alors, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, celui de la danse. Bonne chance Aurélie, nous sommes tous avec vous !

Michel Odin

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